Tocat
Que reste-t-il comme souvenir de ces
spectaculaires mais très fragiles architectures de rubans et de dentelles
amidonnées ?
Il y a d'abord, riche d'informations et de précisions, le beau tableau d'Henri
Valton daté de 1837 et intitulé Colporteur vendant des châles à des femmes de
la région troyenne. Il y a ensuite la gravure de Fichot publiée en couverture
de L'Album pittoresque et monumental de l'Aube, paru en 1852. Elle constitue
l'autre document pictural qui témoigne du rendu et de la diversité des toquats.
Dès le XVIIIe siècle
S'y ajoutent les descriptions données par les écrivains, à commencer par
Pierre-Jean Grosley, chroniqueur et historien troyen, dont l'existence couvre
le XVIIIe siècle. En 1774, Dans ses Mémoires historiques et critiques pour
l'histoire de Troyes, il cite au chapitre du « vocabulaire troyen », le toquat,
ave cette définition : « Coëffure en arrière à l'usage des paysannes. » Pas
très explicite, cette définition a le mérite d'attester la présence de cette
coiffe dès le XVIIIe siècle et de souligner le caractère régionaliste de son
nom qu'on trouve aussi écrit « tocat » ou toccat. La première moitié du XIXe
siècle semble avoir marqué l'apogée de la coiffe troyenne dont il est attesté
qu'elle était également portée à Rumilly, à Lusigny et Montaulin. Dans le
dernier quart du XIXe siècle, le toquat paraît déjà appartenir au passé si on
en croit Albert Babeau. Si en 1883, il souligne qu'au même titre que les
boucles d'oreilles, les colliers et les croix, « la coiffure est pour les
femmes une occasion de déployer leur luxe » et s'il précise que « les environs
de Troyes sont fiers de leurs toquats, qui présentent fixées par d'innombrables
épingles des sortes de toques, au-dessus et en arrière desquelles s'étale un
large cercle de dentelles raidies par l'empois », l'emploi du présent est
contrebalancé par le titre de son étude : La vie rurale de l'ancienne France.
La coiffe traditionnelle relevait alors déjà de l'ethnologie, supplantée par la
mode parisienne devenue incontournable depuis la création des « Grands magasins
». Dans Le guide de l'étranger dans Troyes publié en 1905, Lucien Morel-Payen
dépeint le toquat : « Une coiffure en dentelle en forme de roue portée
autrefois par les paysannes des environs de Troyes et connue sous le nom de
toquat. » Autrefois...
Amidon et épingles
D'après les recherches d'André Beury, fondateur en 1943 du groupe folklorique «
Jeune Champagne », le toquat est né de l'évolution du bonnet simple des femmes
dont les pans (appelés aussi les barbes) tombaient sur les épaules. Ces barbes
se seraient progressivement allongées, élargies et garnies de dentelles pour
être ensuite amidonnées puis redressées et épinglées à l'arrière du bonnet. En
ce qui concerne la forme, les spécialistes observent trois variantes dans la
première moitié du XIXe siècle, ceux que représentent Valton et Fichot : le
grand toquat, le toquat rond, et le toquat dit « de Rumilly ». Quelle que soit
la version, ils étaient réalisés par les femmes elles-mêmes, paysannes ou
bourgeoises : des chefs-d'œuvre de repassage qu'on rangeait très soigneusement
d'un dimanche à l'autre.
Les années 1800-1850 marquent sa période de gloire mais en 1880, le toquat est
révolu.
Article que l’on a pu lire dans L'Est
Eclair du 12/09/2010
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